divagations littéraires

15 février 2021 — Lecture de Toute une vie à écrire de Sylvie Neeman, illustré par Albertine
Dans ce récit écrit à la première personne par Sylvie Neeman, grande amoureuse de l’œuvre de l’écrivaine et admiratrice de la femme libre qu’elle était, le lecteur entre dans l’intimité de Corinna Bille sur la pointe des pieds. Sylvie Neeman a su capter l’âme de Corinna qui gardera tout au long de sa vie la capacité d’enchantement et d’étonnement de l’enfance.
éditions La Joie de lire
22 février 2021 — Lecture de Le cavalier vert et La petite danseuse et la marionnette de S. Corinna Bille, tirés du recueil Marietta, l’ours et le cavalier, illustrations Mirjana Farkas
La petite danseuse et la marionnette raconte l’histoire d’une danseuse si petite, qu’elle habite dans une poche d’où elle ne sort que pour danser, lorsque son maître l’exhibe dans les foires. Dans Le petit cavalier vert, S. C. Bille conte l’aventure d’un petit bonhomme de bois trouvé par hasard par une petite fille lors d’un déménagement…
La délicatesse de l’écriture de Corinna sied à merveille à la fantaisie et la poésie de ce monde imaginaire cher à son cœur. Entre fantastique et nostalgie !
éditions La Joie de lire
1er mars 2021 — Lecture de Le chat qui voulait trop de choses de S. Corinna Bille, tirés du recueil Les Rêves, illustrations Meryl Schmalz
Le rêve, la porte de l’imaginaire La frontière entre le monde des songes et la réalité n’est jamais aussi fine que dans Les Rêves, nouvel opus de la collection La petite bibliothèque de Corinna. Les sept nouvelles qui composent ce recueil mettent en scène des personnages que le sommeil emmène au Pays des Merveilles.
éditions La Joie de lire

«Le désir m’a souvent gagné de connaître les rêves des artistes que j’ai aimés.»
En utilisant l’écriture comme messagère de l’impossible, Antonio Tabucchi se met à la place des écrivains ou peintres ou musiciens qu’il admire.
Chaque rêve est ainsi un hommage aux artistes évoqués, mais aussi une clé d’interprétation et une métaphore pour comprendre le signe du destin qu’il y a dans leur vie.
Éditions Folio Gallimard
Episode 1/4, mercredi 20 janvier 2021
Episode 3/4, mercredi 3 février 2021

Paris, 1926. Walter Benjamin s’éprend de la capitale, mais celle-ci ne le lui rend pas. Incompris, méconnu, il y crève de solitude, ce qui ne l’empêche pas d’entreprendre l’œuvre de sa vie. Cette même année, André Breton rencontre Nadja, qui devient son héroïne et l’entraîne dans une ville de hasard et de merveilleux. Pourtant, l’histoire finira mal. De son côté, chaque nuit, Ludwig Hohl déambule dans Paris, arrondissement par arrondissement. Son regard d’étranger croise celui de Léon-Paul Fargue, Parisien véritable, nostalgique et pétillant. Paris s’entrouvre, Paris suffoque, Paris s’éloigne. Entre ironie et mélancolie, ce deuxième volume du Manifeste incertain évoque les ombres de la ville, le temps de l’avant-guerre et celui d’aujourd’hui, dans une épopée littéraire que viennent disputer cent cinquante dessins.
Éditions Noir sur Blanc
Episode 2/2, mercredi 27 janvier 2021

Un chien noir, familier et inquiétant à la fois, traverse le livre et le paysage. Ce paysage, c’est celui d’Anchise, apiculteur farouche, veuf inconsolé qui, sur le tard, s’est suicidé par le feu. Aubin était alors un enfant. Il a peu connu son grand-oncle, mais en secret il a joué dans sa maison abandonnée. Au bord de la route, pas très loin de Nice, pas très loin de la ville et déjà à la campagne, minée par les pavillons et leurs clôtures en plastique.
Éditions Le Seuil

Errance existentielle, errance artistique, cette biographie écrite et dessinée met l’accent sur des épisodes peu connus ou mal interprétés de sa vie, notamment de son enfance. La légende de Van Gogh est ici examinée, en particulier son supposé suicide, revu à la lumière du témoignage tardif d’un meurtrier présumé.
Éditions Noir sur Blanc
Episode 2/4, mercredi 6 janvier 2021
Episode 4/4, mercredi 13 janvier 2021
Prochaine divagation du lundi, le 18 janvier 2021

La Pléiade
Le vieux Moussatov, qui n’a pas vu son fils Boris depuis plusieurs mois, vient lui emprunter dix roubles. Alcoolique, sans orgueil, il s’avilit devant son fils qui ne roule pas sur l’or. Il se dépeint très bien : menteur, affabulateur… Il invite son fils dans son taudis. Puis, après avoir bu, il redevient agressif.
Aliokhine part dans des considérations sur l’amour, ses raisons, en prenant l’exemple sur sa servante, la belle Pélaguéïa, qui aime Nicador le cuisinier, une « gueule d’empeigne » qui la bat quand il est saoul.
Il raconte sa jeunesse, son installation dans le domaine familial, où pour redresser une situation financière critique, il se met à travailler la terre comme un paysan. Ses seules sorties en ville sont pour siéger au tribunal comme juge de paix honoraire. Il sympathise avec le vice-président du tribunal Dmitri Louganovitch et se sent immédiatement attiré par sa femme, la jeune et belle Anna. Avec le temps, il devient un familier de la famille, il est tonton Pavel pour les enfants, il l’aime, elle l’aime, mais rien ne se passera entre eux, le poids des habitudes, la peur de l’inconnu…
Méliton Chichkine chasse dans les bois. Il entend un pipeau. C’est Luka le Pauvre qui garde son troupeau. Commence un échange entre les deux hommes où ils constatent que tout va de mal en pis : il n’y a plus de gibier, plus de poisson dans les rivières, plus d’eau dans les rivières, les forêts dépérissent, les paysans ne valent plus rien, le caractère de la jeunesse, les mauvaises récoltes…
Le narrateur est une louve qui part à la chasse. Elle fait quatre verstes pour arriver à la chaumière d’Ignate. Elle pense qu’il y aura un agneau à enlever. Cela devrait la contenter, ainsi que ses trois louveteaux.
Elle creuse un trou dans le toit de chaume, tombe dans la bergerie sur quelque chose de mou et chaud. Elle l’emporte aussitôt, car le chien a donné l’alerte…

Une rumeur gronde depuis les tombes du cimetière de Spoon River. C’est la voix des morts. Depuis l’au-delà, les habitants ensevelis retracent dans des mots taillés à la serpe la cause de leur décès.
Règlement de comptes et autres aveux dépeignent une véritable fresque sociale. De la femme trompée au juge déchu, le ressentiment se répand comme une traînée de poudre. Entre ses allées, le calme n’est qu’apparent, la ranœur n’aura de cesse de perturber un repos éternel. Chef d’orchestre de ces voix, Edgar Lee Masters signe là un roman extrêmement original au ton férocement satirique, qui repose sur une mise en perspective des monologues au moyen d’échos et d’allusions croisées. Mais ce n’est pas tout : il compose du même coup de véritables poèmes en vers libres, qui tiennent de l’épigramme et prennent le contre-pied de l’éloge funèbre. Passions et ranœurs animent ce microcosme, allégorie de toute l’Amérique, loin de tout cliché bucolique. Foudroyant.
éditions Allia

L’Homme des bois n’est pas seulement le récit par son fils de la mort brutale et mystérieuse d’un père. C’est aussi une évocation de la vie dans les campagnes françaises à notre époque, ce qui change, ce qui se transforme. C’est l’histoire d’une émancipation, d’un destin modeste, intègre et singulier. C’est enfin le portrait, en creux, d’une génération, celle des parents du narrateur, travailleurs sociaux, militants politiques et associatifs en milieu rural.
Prix Blù / Jean-Marc Roberts 2017 — éditions P.O.L

Dans la nuit 23 au 24 novembre 2018 mourait Jean-Loup Rivière (écrivain et dramaturge). Il était marié à Nathalie Léger. Suivant l’azur est un livre de deuil qui est avant tout un livre d’amour. Un texte bref porté par l’urgence d’écrire après la disparition de l’autre aimé. Parce qu’il n’y a qu’un lieu pour dire le manque et sa souffrance, le manque à jamais, c’est l’écriture – à la fois terre, boîte et corps. Ça s’appelle en littérature aussi un Tombeau.
éditions P.O.L

«Voici un poète de maintenant, un poète de notre monde, proche et vrai […] Le plus beau dans cette œuvre déjà ample dont Mathilde Vischer présente ici un choix judicieux, c’est que, même dans ce monde où “aucune promesse n’est tenue” et qui semble quelquefois si sombrement proche de sa fin, la lumière des choses (“Et que dire de l’herbe/À sa naissance ? Du ruisseau ?/ Des eaux…), celle qui brille jusque dans les larmes des enfants, persiste, en défi à toute menace, gardée, protégée justement par le poète patient». Philippe Jaccottet.
éditions d’en bas

Lecture au Parnasse du 5 septembre 2020
Leslie Kaplan propose avec Désordre un bref conte féroce, moderne et d’actualité. La fable et la fiction deviennent des armes redoutables pour dénoncer la violence du réel. Ici, la littérature piège les mots du pouvoir, en les prenant au mot, tout simplement, pour faire apparaître l’absurdité du monde dans lequel nous vivons. On pense avec trouble à notre situation sociale agitée, à la révolte des Gilets jaunes. On peut ainsi prendre au pied de la lettre l’accusation de violence faite aux exploités, aux opprimés. L’effet produit est comique : un rire de soulagement. Autre chose serait donc possible ?
éditions P.O.L