Je tiens à vous dire tout de suite…

1993, 92 représentations

Quelques bons petits spectacles sont également au menu de La Bâtie
Au côté des « locomotives» que sont Karge ou Deschamps, le festival ménage une place à de petits spectacles qui n’ont, qualitativement, rien à envier aux grosses production.
Le Courrier, 31 août 1994

Photo © Ariane Carro

DISTRIBUTION
Texte de Emmanuel Bove
Œil extérieur Dominique Bourquin – Jeu Claude Thébert – Scénographie Gilles Lambert – Costume Mireille Dessingy – Administration et production Claude Thébert – Photo © Ariane Carro

Samuel Beckett écrivain seul et déséspéré, a dit d’Emmanuel Bove, écrivain seul et déséspéré, qu’il avait “comme personne le sens du détail touchant”. De Claude Thébert, jouant seul dans le Je tiens à vous dire tout de suite…, les histoires de deux hommes déséspérés, on pourrait dire à peu près la même chose: qu’il a comme peu de monde le sens du petit geste touchant. Qu’il fasse rapidement mouvoir ses pupilles de gauche à droite, qu’il remette machinalement un napperon à sa place, ou qu’il sifflote gentiment pour des oiseaux à travers une petite fenêtre en bois, et vous avez saisi la détresse de son personnage, ses angoisses passées et son malheur futur.
Mais si les gestes de l’acteur sont simples et clairs, les textes qu’il a interprète, eux, ne le sont qu’en apparence. Vous les écoutez d’abord légèrement, croyant avoir affaire à une simple histoire d’amant trompé par une ingénue – thème ancien et rabattu – ou à celle d’un psychopathe qui prend plaisir à faire souffrir ses proches – thème récent mais non mois rabattu – jusqu’au moment où votre vision de la situation commence à se troubler. Vous vous dites que le premier pourrait bien être le seul artisan de son malheur, et que le deuxième ne s’est exilé que parce qu’il l’était déjà au milieu des siens. Mais de ces intuitions vous ne pourrez pas être certain. Au bout de chaque histoire, que l’homme trompé et le fou se soient détruits eux-mêmes ou que ce soit le monde qui n’ait pas voulu d’eux, vous ne serez sûr que d’une chose, c’est que l’un comme l’autre est seul et déséspéré.
Claude Thébert joue la plupart du temps dehors, à chaque fois dans un lieu différent, avec une grosse boîte à tout faire pour unique décor. Peut-être pour évoquer la vie de ces hommes perdus, comme il nous arrive d’en voir ici depuis quelque temps, qui n’ont presque plus rien, et qui finissent dans la rue. Ne croyez pourtant pas que son spectacle soit déprimant. Ses nonantes minutes passent en trois quart d’heures, et malgré son propos, on y rit souvent.
L’Hebdo – 9 septembre 1994

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