Si Dieu était suisse

1997, 102 représentations

DIEU N’AURAIT PAS ENCORE CRÉÉ LE MONDE S’IL AVAIT ÉTÉ SUISSE 
Sous la houlette d’Anne-Marie Delbart, Claude Thébert et Marie Perny prêchent à travers la ville Si Dieu était Suisse… de Hugo Loetscher.
Si Dieu avait été Suisse, le monde serait-il ce qu’il est? Pas sûr! Car, comme tout bon Helvète qui se respecte, il attendrait toujours et encore le moment propice pour agir. Si Dieu avait été Suisse, le monde n’existerait donc pas. Et les Suisses non plus. Mais il fallait la talentueuse plu\me acérée du Zurichois Hugo Loetscher pour faire cette éblouissante démonstration, certes absurde, mais ô combien émaillée de vérités, bonnes ou mauvaises à dire en ces contrées de neutralité.
Familier de La Bâtie depuis quelques éditions, le Théâtre du Sentier s’embarque cette année pour une nouvelle tournée à travers la ville avec ce texte de lécrivain alémanique. Claude Thébert, accompagné d’une Marie Perny estampillée «typiquement suisse» – accordéon, tresses, chapeau, tablier et tralalaoutis – prêche donc Si Dieu était Suisse… du haut d’une petite estrade surmontée d’un grand cadre.
Ce spectacle itinérant repose entièrement sur le texte, divisé en plusieurs petits récits, le comédien jouant quant à lui – mais avec une heureuse modération – le rôle de l’Helvète authentique, fier de sa suissitude égayée de géraniums, analysant le comportement de ses concitoyens ou faisant part, avec une certiane fierté, de ses expériences à l’étranger. Si le spectacle parvient en une heure à faire le tour des diverses facettes du texte de Hugo Loetscher, il laisse toutefois le public sur sa faim. Le choix de certains récits, comme par exemple l’ascension de la statue de la Liberté, provoque en effet une désagréable chute de la tension narrative. Un seul remède à cette légère frustration: se jeter dans la lecture de Si Dieu était Suisse… , édité en français chez Fayard.
Francine Collet, Le Courrier, 4 septembre 1997

DISTRIBUTION
Texte de Hugo Loetscher
Traduction Gilbert Musy – Mise en scène et costume Anne-Marie Delbart – Jeu Claude Thébert, Marie Perny – Scénographie Gilles Lambert – Musique originale Daniel Perrin – Administration et production Claude Thébert – Photo © Mario del Curto

ET TANT PIS POUR L’HELVÉTIE! 
Claude Thébert promène en ville les vérités désagréables d’Hugo Loetscher
Qu’est-ce qui fait le bonheur au théâtre? Un acteur maître de son art, une parole qui griffe et qui fait mouche et un public aux aguets. Ce sont ces trois conditions qu’ont réunies le metteur en scène Anne-Marie Delbart et l’acteur Claude Thébert en présentant Si Dieu était Suisse…, d’après un recueil de perles noires signé Hugo Loetscher.
Rencontrer le public
Le règle du jeu? Jouer à la tombée de la nuit dans un lieu chaque fois différent et insolite. Et prendre ainsi le risque de l’imprévu: être coupé, par exemple, dans son élan par l’aboiement intempestif d’un chien, comme Dimanche passé à l’Hôtel de Ville de Genève; ou encore sentir l’attention du spectateur un instant par une brève ondée ou par le passage d’un peloton groupé de touristes, comme l’autre jour à la promenade de la Treille, mais déployer le théâtre dans les parcs ou les cours d’école, c’est surtout rencontrer un public pluriel et peu soucieux de l’étiquette: à l’Hôtel de Ville, ce sont des patineurs du Dimanche ou des jeunes pères de famille hissant leur progéniture sur les épaules, ou encore un couple d’amoureux en sandales et à moitié couchés sur les dalles. Et tous de chercher ce jour-là, dans l’enceinte solennelle, une place de choix: qui sous les voûtes, qui à l’étage, qui sur les bancs. Histoire de profiter d’un tableau d’Helvétie qui met en perspective quelques qualités bien de chez nous.
Car tout est affaire de tableau dans la mise en scène d’Anne-Marie Delbart: l’acteur apparaît d’abord significativement derrière un cadre vide en bois massif, posé sur l’estrade. Comme pour souligner l’opération à venir: le renversement d’un certain nombre de paysages tout faits, le dénudement des mythes qui, avec le temps, ont fini par imprimer leurs images dans la mémoire collective. La carte postale est d’ailleurs d’emblée exhibée: un armailli à la robe fleurie (Marie Perny excellente) fait chanter sur scène son accordéon, le jodler n’est pas loin. Claude Thébert peut alors, en bon jardinier, arracher et exhiber la mauvaise herbe qui tapissse les vertes prairies d’Helvétie. D’un sécateur diablement efficace.
Alexandre Demidoff, Journal de Genève, 5 septembre 1997

CLAUDE THÉBERT , PASSEUR DE VILLAGE EN VILLAGE 
A Vidy, sous chapiteau , le Théâtre du Sentier présente Si Dieu était Suisse…. Rencontre avec l’interprète d’Hugo Loetscher
«Si le Bon Dieu avait été Suisse, il serait toujours en train d’attendre le moment favorable pour créer le monde.» La boutade d’Hugo Loetscher est tirée de son recueil Si Dieu était Suisse…, acte d’autoflagellation helvétique drôle et subtil, dont le Théâtre du Sentier présente quelques extraits en tournée. Claude Thébert, qui les interprétera à Vidy avec la complicité musicale de Marie Perny, s’avoue de nombreuses affinités avec les critiques de l’auteur zurichois.
«Loetscher n’énonce pas de vérités, explique le comédien. Il constate et questionne plutôt qu’il ne donne des réponses. Il ne fait pas de caricature, par contre il n’hésite pas à utiliser des clichés qu’il traite de façon tendre et humoristique.» Pour être drôle, les mots de Loetscher n’en sont pas moins grinçants. Le portrait qu’il dresse des Suisses n’est pas très reluisant. «Il faut être honnête, commente Claude Thébert. C’est comme quand vous vivez avec quelqu’un, quand ça ne va pas, il faut le lui dire. Ne rien dire est un manque de respect. Critiquer l’autre, c’est lui montrer qu’on s’intéresse à lui. De plus, Loetscher s’inclut dans ses critiques, il n’adopte jamais un ton supérieur.» Si Claude Thébert est en accord avec Hugo Loetscher, il ne s’identifie pas pour autant à l’écrivain. «Mon rôle est celui d’un passeur. Sur scène, je ne fais que transmettre les paroles de l’auteur. Après la représentation, par contre, je me tiens à la disposition du public pour parler de ses oeuvres. Chaque fois que je vends un livre de Loetscher, j’ai l’impression de faire un travail citoyen.»
«Le Théâtre du Sentier, c’est la volonté de trois personnes de marquer leur envie de théâtre. Anne-Marie Delbart, Gilles Lambert et moi sommes en quelque sorte une «force d’intervention rapide», explique Claude Thébert. Notre mot clé est la disponibilité. Notre unique condition est de pouvoir jouer partout, grâce à un décor facilement démontable et transportable. C’est une contrainte technique à laquelle s’ajoutent des contraintes économiques, mais à part cela nous sommes totalement libres. Nous ne jouons que des pièces qui nous plaisent. Le Théâtre du Sentier va ainsi de village en village à la demande du public.
C’est pourtant à Vidy-Lausanne que la troupe jouera Si Dieu était Suisse… Dans ce choix de lieu, Claude Thébert ne voit aucune contradiction: «Notre travail ne s’est jamais inscrit contre les institutions mais plutôt en complémentarité».
Emmanuelle Ryser, 24 Heures, septembre 1997

L’Hebdo, 18 août 1998

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